Du plaisir solitaire de la lecture à la joie collective de la rencontre
Quand je pense aux éditions des Petites Fugues que j’ai eu la chance de vivre, mille images me viennent, singulières, intenses et à l’éclat intact. Si, chacune et chacun, à notre endroit, possède des souvenirs propres des Petites Fugues, me semble exister quelque part une mémoire commune, plus grande que nous et plus solide, une somme de correspondances souterraines entre les mots et les êtres.
Grâce à ces artistes et à toutes celles et ceux qui depuis vingt ans rendent possibles ces rencontres itinérantes (bibliothécaires, enseignant.e.s, libraires, éditeurs, équipe, bénévoles, partenaires…), des langues et des univers littéraires se mettent en partage comme autant de territoires communs et d’horizons à explorer. Chaque année, j’étais émue de voir dans les bibliothèques et les CDI les nouvelles parutions des autrices et auteurs accueillis lors des éditions précédentes, le dialogue se poursuivant ainsi bien au-delà du temps du festival.
Et je dois pourtant vous faire un aveu. Avant de travailler au CRL, j'avais un rapport intime et direct aux textes mais bien plus lointain à leur auteur. Si Dominique Bondu, alors directeur et qui a donné naissance aux Petites Fugues, ne m'en avait ouvert les portes, je n'aurais peut-être jamais éprouvé la magie qui s'opère lors d'une rencontre avec une autrice ou un auteur et la puissance de ce qui fait vibrer à l’unisson une assemblée réunie autour d'une parole d'écrivain.e. De la Franche-Comté à la Seine-Saint-Denis aujourd’hui, dix ans plus tard, c’est ce qui me porte, « permettre » (comme on dit dans les dossiers de subventions, mais parce que c’est vrai qu’on essaie) la rencontre des œuvres et de leurs créatrices et créateurs, avec tous les publics, partout, tout le temps.
Nombreux sont les auteurs qui vous le diront : après 2h de routes tortueuses de montagne, de nuit, de préférence sous la neige et sans chaînes, les fenêtres illuminées de la bibliothèque apparaissent aussi chimériques qu’une oasis. Plus grande encore est la surprise, lorsque passant la porte, on se retrouve face à une assemblée qui vous attend pour parler littérature, lecteurs riches de questions sur l’œuvre ou curieux de la découvrir, libraire venu présenter vos livres, lycéen.nes avec qui vous avez débattu la veille... autant de visages et d’attentes qui rendent uniques ces moments de rencontre au cœur de l’hiver quand tout incline à rester calfeutré chez soi.
Ces nuits neigeuses de novembre masquant les paysages se sont finalement révélées fécondes, tant les écrivain.es ont ensuite émaillé leurs livres de parcelles de ces lieux imaginés. (Vous pouvez ainsi me croiser par hasard dans un roman, en K-way, au bord d’un lac du Jura et en drôle de compagnie.)