Nicole Moulin

Bénévole

Un prénom, un patronyme qui chante haut, une feuille de route, et un lieu de rendez-vous pour cueillir l’écrivain et le conduire dans le village montagnard d’Auxelles-Haut dans le Territoire de Belfort, à plus de cent kilomètres.

Je ne sais rien de lui ni de son œuvre, juste que son chemin a été bouleversé par la maladie. Lu rapidement un seul livre pour dissiper un peu mon inquiétude.

La veille au téléphone il me demande si l’on pourrait prendre la route des écoliers en direction des premiers plateaux du Haut-Doubs, pour voir le chemin de croix sculpté de Gabriel Saury dans l’église du village d’Orchamps-Vennes. Je connais l’histoire de cette œuvre en terre cuite chamottée, dont le Christ dans sa force expressive avait déclenché une polémique lors de son installation en 1949. Une entrée en matière possible qui me rassure.

Mais Patrick Autréaux n’est pas de la trempe des arrogants. On fait tout de suite bon voisinage. La parole circule. À petites touches affleurent des bribes de sa trajectoire personnelle et de son expérience d’écriture. Le tutoiement s’installe sans qu’on y prenne garde. J’écoute l’homme nourri par un chemin de vie singulier. Encore un petit écart pour voir la chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp. Éblouissant Le Corbusier, associé depuis une dizaine d’années au grand Renzo Piano avec le monastère Sainte-Claire construit en contrebas. Partage de beauté.

On atteint Auxelles-Haut, établi sur le revers méridional des Vosges. 290 habitants. Un accueil chaleureux, une soupe divine devant un feu de bois chez Michelle et François, militants de la lecture, une médiathèque pleine de gens joyeux qui offrent l’hospitalité à l’écrivain. Patrick Autréaux lit dans un silence impressionnant, écoute, observe, dialogue. Il s’engage dans une action avec le public et le public s’engage avec lui. Il nous raconte quelque chose de lui, mais aussi de nous. Puis les langues se délient autour d’un verre et des gâteaux préparés par la communauté de lecteurs.

Je regarde tous ces visages ouverts. Une diversité de générations, de classes, de genres. Que sont-ils venus chercher ? Que s’est-il passé ce soir-là ? On ne cherche pas probablement. On vient plutôt faire l’expérience du déplacement, de l’altérité, de l’écoute de la langue d’un autre en tant que parole. On se dépayse, on entre en relation, on s’élargit. On est comme au sortir d’une promenade en forêt.

Décoller de sa vitre, faire un pas de côté, entendre une autre voix. Effleurer la part mystérieuse d’un inconnu, le déploiement d’un autre monde. C’est ça Les Petites Fugues. Des lucioles sur notre chemin.