14e Petites Fugues, dimanche 15 novembre 2015, 21h30
Fébrile, j’attends Sylvain au dernier train de Paris en gare Viotte. Fébrile parce que pour la première fois me voilà « bénévole accompagnatrice ».
Premier contact rassurant, Sylvain est au rendez-vous, son voyage s’est déroulé sans encombre, même s’il semble fatigué, plutôt las, les traits quelque peu tirés.
Nous « descendons au centre-ville », je le dépose à son hôtel, où je le retrouverai demain matin pour une première journée de rencontres avec son public : deux classes de lycée dans le Haut-Jura l’après-midi, une rencontre en médiathèque en soirée avant le retour à Besançon.
Lundi 16 novembre 2015
Pas de préoccupation du côté de la route. Beau temps, sec, aucune pluie aucune neige ne sont annoncées. Se mettre au diapason et à l’écoute de l’écrivain accompagné, ne pas l’envahir sans toutefois laisser s’installer de trop longs silences : saurai-je trouver la juste mesure ?
J’ai lu avec jubilation son dernier ouvrage, au style vif, rythmé, aux descriptions enlevées, où le romancier engagé et militant entraîne le lecteur aux côtés de salariées en lutte. Drame social, comédie sociale, 75 jours pendant lesquels des coiffeuses ivoiriennes et des manucures chinoises en grève occupent leur salon parisien, avec le soutien d’associations, de partis politiques, de clients, d’élus… C’est tout un puzzle de situations, de témoignages, de portraits, un kaléidoscope bigarré qui se déroule dans son quartier.
Son quartier, le 10e arrondissement :
« Arrondissement numéro dix de Paris. Parcouru dans tous les sens depuis onze ans que j’y habite, balades, militantisme, parcours du quotidien. Devant leurs anciens immeubles flottent les souvenirs des amis déménagés, Philippe et Véro rue du Terrage, Tristan rue des Petites-Écuries. Ici l’endroit où j’ai pris Matthieu et Aurélie en voiture, un matin, pour les emmener à la maternité. Je l’aime bien, cet arrondissement. Gentrifié et encore populaire à la fois. Les très pauvres et les moyens riches. Misère du monde, petites gens, professions intellectuelles et supérieures, étudiants, jeunes couples, jeunes couples avec un enfant, à deux on passera en banlieue, migrants célibataires. Tout n’est est pas encore joué. Tout n’est pas lisse, pas homogène. »
Déjà le « premier plateau » du Jura. Superbe et lumineux sous un froid soleil d’hiver, Sylvain a ouvert le ban, la conversation se déploie, fluide, jusqu’au lycée où se déroule la première rencontre. Elle se poursuit tout aussi naturellement durant les soixante kilomètres de trajet qui nous conduisent à notre seconde étape, la médiathèque d’Orgelet.
Comme avec les lycéens le matin même, les échanges avec le club de lecture de la médiathèque sont riches et nourris autour de Beauté Parade. Ils se prolongent autour de spécialités locales dans une atmosphère bon enfant. Il est tard, il est temps de reprendre la route.
La nuit nous entoure, le silence s’installe dans l’habitacle, cette première journée a sans doute été fatigante pour Sylvain dont les traits me semblent à nouveau tirés. Et puis, au détour de l’une de ses quelques phrases, je comprends qu’il vient de perdre très récemment un ami.
Alors me reviennent comme un flash quelques bribes parmi le flot d’informations déversées en boucle depuis samedi dans les médias : « Il avait un enfant de 3 ans et allait avoir une petite fille au printemps… »
? Matthieu ? Amélie ?
Mercredi 8 septembre 2021
Aujourd’hui, presque six ans après les attaques du Stade de France, des terrasses parisiennes et du Bataclan, s’ouvre au Palais de Justice de Paris le procès « V13 », pour vendredi 13. Ou encore 13onze15.
Quant à la préparation des Petites Fugues 2021, elle bat son plein : accueil, feuilles de routes, itinéraires, organisation des binômes, médiateurs, formations, hébergements… : mi-novembre débute la vingtième édition du festival.
Vingt-trois autrices et auteurs pour la plupart participants des éditions précédentes, parmi lesquels Sylvain, reviennent et s’apprêtent à sillonner en tous sens la région à la rencontre de publics les plus divers, tous impatients.
Les Petites Fugues – la littérature comme une bouffée d’oxygène, une respiration.